* Tu ne vas tout de même pas retourner dans ta chambre dans cet état, fais pas ton têtu !*

Je gardais le silence, sinon elle risquait de se manger pas mal de reproches, elle aussi. Si elle ne s'était pas barrée comme elle l'avait fait, je ne serais pas dans cet "état" justement. Et en matière de capricieuse, elle me battait à plates coutures, quand même. Ces petites pensées sombres durent la dissuader de me réprimander davantage sur le sujet, car elle garda le silence, mais je pouvais sentir son inquiétude, alors que nous marchions, enfin, je trébuchais vaguement, dans ce couloir sombre. Je pensais que nous prenions la direction de la Tour du personnel, histoire que je puisse me reposer, mais il en était tout autre, et c'était elle qui m'avait guidé jusqu'à l'infirmerie.

Trop las pour résister, je soupirais et entra dans la pièce, sans chercher une personne pour m'aider. Pas grave, je n'avais besoin de personne, mais Iza avait eu la bonne idée de m'emmener ici, au moins pour que je puisse me faire un pansement, ou tout du moins désinfecter la plaie que j'avais à la main. Le sang avait commencé à sécher, mais le bout de verre était toujours incrusté dans la chair, laissant couler encore un filet de sang gluant. J'émis un sifflement douloureux, et m'assis sur un lit, après avoir pris de quoi faire, une pince, des rubans, du désinfectant... Ce sera un mauvais moment à passer, c'est tout... Mais je pense que j'allais en chier avec juste une main...

Iza se coucha un peu plus loin, m'observant d'un oeil inquiet tandis que j'observais l'infirmière et d'un ton boudeur, détournant la tête, je lui répondis :

" C'est bon, je peux bouger les doigts. C'est juste du sang, je n'ai pas si... Aïe ! "

Bah oui, pour lui montrer que je pouvais bouger les doigts, je voulais en faire la démonstration, mais les muscles bougeaient au niveau de la paume, faisant ressortir la douleur et une giclée sanguine, m'obligeant à tenir mon poignet tandis que je me recroquevillais sous l'effet de la douleur.

Regarder? je voyais défiler les ustensiles d'un air peu rassuré. Elle allait utiliser tout ça? C'est bien de me prévenir que j'allais avoir mal mais pour le coup, j'avais du mal à imaginer pire que maintenant. Mais en voyant Iza se caché les yeux d'une patte, je me doutais que je me trompais complètement...

" Humpf ! "

Je crois que j'aurais gueulé ma douleur si je n'avais pas foutu mon poing dans la bouche pour étouffer le son. Intérieurement, je l'insultais de tous les noms, pour me calmer, je la maudissais, ça me faisait penser à autre chose que la douleur. Putain, salooooooope! Je fermais les yeux et essayais d'imaginer une montagne enneigée, et j'aurais pu plonger ma main dans la glace pour anesthésier les nerfs quelques instants.

Par contre pour la piqure, vu comme elle s'y est pris, je ne pus retenir le cri et tout ce qui suivit...

" AAAARGH ! Mais vous êtes complètement barge ! Vous auriez pas pu la faire avant ?! Ca m'aurait éviter de gueuler deux fois ! "

J'avais l'impression d'être face à une sadique. J'avais l'impression d'être en face de ma soeur, comme si elle prenait un malin plaisir à me faire souffrir...

Heureusement, elle eut bientôt fini le bandage et l'anesthésiant faisait son effet, je ne sentais rien, plus rien, je n'arrivais plus à bouger les doigts, en fait. Je risquais pas de déroger à son interdiction. Mais même si elle m'avait soigner, je lui en voulais pour cette douleur, alors je la fusillais du regard en lui répondant :

" Ca vous re... "

* Dai... Calme... *

Je m'interrompis dans ma phrase. Iza avait raison. Je m'énervais pour rien.Je grommelais et détournais le regard pour marmonner:

" Un accident de placard... D'ailleurs, je pense que Monsieur Gôshi ne saurait tarder, il s'est pris deux armoires dessus... "

Kimberley débarqua, avec un café à mon attention en main. L'observant, sourcils froncés, je ne pouvais m'empêcher de grommeler sur sa familiarité :

" Je suis pas ton pote, je suis ton supérieur, alors utilise le vouvoiement avec moi. "

Mais je soupirais, je savais que c'était inutile de lui répéter sans cesse qu'il y avait une distance entre nous et qu'elle devait le respecter. Enfin... Les surveillants ne sont pas embauchés sur leur quotient intellectuel. Cependant, elle avait de la bonne volonté, et cela se remarquait encore ce soir, avec ce petit café, que j'acceptais.

" Merci. "

J'aurais voulu le prendre, comme d'habitude avec ma main droite, mais elle était actuellement paralysé, et c'est maladroitement que je pris le gobelet , tremblant un peu, me rendant compte combien j'étais trop droitier...

Puis l'infirmière intervint, nous intimant de faire du calme. ca tombait bien, je n'allais pas rester bien longtemps ici. Demain, j'avais du travail, et que la surveillante soit déjà au courant de l'accident n'arrangerait en rien mes affaires. Je me levais du lit et fis un signe de tête.

" Je vais rentrer chez moi, de toute façon. Merci Juri et merci Kimberley. Passez une bonne soirée. "

Pour ce soir, je n'avais pas besoin de rester à l'infirmerie et je ne comptais pas rester ici à papoter avec la jeune fille. Besoin d'être seul, c'est possible? Si encore on me laissait partir, d'ici que je tombe sur une autre curieuse...

Elle retint finalement mon attention. C'est clair que je n'étais pas d'humeur à m'amuser, surtout après tous les tourments de ce soir... J'avais eu le sentiment que, comme Mika au moment du drame, elle était venu pour se foutre de ma gueule... Surtout après avoir gueulé sur l'infirmière, ça avait dû se faire entendre dans le couloir... Mais ses excuses si sincères m'avaient coupé dans mon élan et je ne pouvais pas lui en vouloir. Aussi, je poussais un profond soupir et posa ma main sur sa tête d'un geste fraternel, après tout, elle avait quasiment le même âge que Mika...

" C'est rien. Fais juste attention, d'être aussi familière avec tes supérieurs te fait perdre autant de crédibilité à toi qu'à moi. "

Car d'un sens, permettre un tutoiement signifierait du favoritisme, et de l'autre, elle se ferait passer pour une fille sans éducation. Reprenant mes airs de chef de l'administration, je l'interrogeais, pour me faire pardonner ma froideur, et pour décompresser en engageant une conversation tout à fait anodine, à l'entrée de l'infirmerie.

" Alors, tu fais ta tournée du soir ? "

Iza partit devant, semblant se lasser de la conversation. Après tout il était tard, et elle faisait une petite crise de jalousie, que je ne me préoccupe pas d'elle. Bien que le sens caché de son comportement provenait de l'inquiétude qu'elle avait pour moi, ma main, maintenant qu'elle était amorphe et après toutes ces aventures, j'étais, je l'avoue, complètement crevé, bien que sur les nerfs, car la tension n'était pas encore retombée.

Et puis Kimberley me parla de sa grand-mère, son absence de motivation pour ce soir... Hélas, je ne pouvais pas faire grand chose pour elle, nous manquions de personnel pour surveiller les élèves et je ne pouvais pas faire des états d'âme des employés. Cependant, je ne pouvais pas me montrer froid et distant après ce que je venais de dire.

" Je suis désolé pour ta grand-mère. As-tu penser à poser quelques congés pour les visiter pendant les fêtes de fin d'année? Profites-en tant que personne ne l'a fait. "

Je ne savais pas quoi dire de plus pour ce soir. Si elle devait faire sa tournée... Moi je ne devrais pas tarder, j'avais une journée de travail le lendemain. Et je ne savais pas comment réconforter les gens...

" Je te souhaite... bon courage pour ce soir... "

Que pouvais-je faire de plus ? Chacun son boulot et le mien n'était pas de tout repos non plus, et je n'avais pas le droit aux états d'âme.

Je disparus dans les couloirs, direction ma chambre, sur les pas d'Iza...