Heureusement qu'Hirô passait par là à ce moment ! Aucun des élèves présents ne semblait se soucier du carnet du jeune homme qui dégringolait allègrement les marches. Le concierge s'arrêta pour ramasser le calepin et gravit les marches à la recherche de son propriétaire qu'il retrouva quelques mètres plus haut.

"Bonjour ? C'est à toi ? Tu devrais prendre plus soin de tes affaires."

Et il le lui tendit gentiment, bien plus grand que l'adolescent malgré les quelques marches de hauteur qui les séparaient.

Tant d’entrain, tant de bonheur ! Hirô était aux anges. L'étudiant devait vraiment tenir à son carnet pour exprimer une telle joie à l'égard de son sauveur ! Voilà qui attisait la curiosité du concierge. Et puis comme il n'avait rien à faire jusqu'à ce que le lieu ce vide, c'était un bon moyen de papoter ! Donc : papotons.

"De rien ! Tu as l'air de beaucoup y tenir ! C'est un cahier de cours ? C'est rare de voir un étudiant aussi attaché à ses affaires."

Il n'avait pas réellement réfléchi à ce qui était le plus probable, il se contentait de balancer tout ce qui lui passait par la tête pour entamer une discussion avec l'étudiant. Comment ça "et s'il a pas envie" ? Mais si, il a envie !

Oooh ! Un autre artiste ! A ne pas confondre avec "un autre autiste", bien que la frontière soit ténue entre les deux univers. Hirô se demanda même si le jeune Ventus qui l'avait déjà aidé à quelques reprises pourrait s'entendre le jeune homme ici présent. S'il ne faisait que parler, Ludovic ne ferait qu'écouter ! Quelle association parfaite ! Il sourit chaleureusement.

"Quel usage original ! Quand j'étais jeune, j'avais essayé de tenir un journal intime pour évoquer tout ce qui me marquait dans mes journées... Et puis finalement j'avais abandonné au bout de quelques mois parce que je faisais tellement de choses dans mes journées que je ne trouvais même plus le temps de me reposer ! Hahaha ! Ironiquement, je peux dire que rien n'a changer ! C'est privé également ? Je serais curieux de voir comment les jeunes de nos jours tiennent leurs journaux !"

Il riait sincèrement. Rien n'avait changé, sauf les motifs. Dans les deux cas il n'avait pas le choix, certes, mais il pourrait aujourd'hui faire preuve de moins de zèle. Non. Il fallait qu'il travaille. Plus. Toujours plus.

Des histoires ? Quelles histoires ? L'imagination n'avait pas toujours été la chose la plus florissante dans la tête du concierge, sauf dans des moments biens précis ! Mais il était curieux en un sens et aimait partager des choses avec les gens. Et ce carnet était un merveilleux prétexte pour discuter là où ça n'avait pas lieux d'être !

"Oh... Tu écris également des histoiTTENTION !"

Il avait vu un jeune homme commencer à chuter quelques marches plus haut. Ludovic ? Quand il parlait du loup... Il franchit les sept marches qui les séparaient en deux enjambées et s'accroupit lors de la réception afin d'amortir la chute du première année. Une fois certain que la tête n'avait rien heurté de dangereux, il souffla le temps de laisser à l'adrénaline le temps de redescendre.

"Ça va bonhomme ? Tu ne t'es pas fait mal ?"

Shimahime, calme, observait la suite avec intérêt.

Un casse-tête dans les mains, Jing s'adonnait à son occupation préférée : observer ces fascinants bipèdes appelés aussi humains. Les mots pouvaient exprimer bien des choses mais ils n'étaient pas les seuls et ils avaient leur limite. Quelqu'un pouvait vous affirmer quelque chose mais ses gestes pouvaient le trahir. Le mot n'était que des supports pour véhiculer ce que l'on désirait. Les interactions entre les gens, le langage corporel qui révélait inconsciemment des informations, voilà ce qu'il fallait traquer en plus pour comprendre, ne serait-ce qu'un peu, les autres.

Sa silhouette longiligne se baladait entre les élèves accompagné d'un Ling impassible. Même si l'Oleign attendait en réalité quelque chose. Oreilles aux aguets prêtaient attention aux intonations, alors que son regard sombre glissait sur les visages et sur les corps. Ils s'approchèrent des escaliers et Jing sautilla en sifflotant jusqu'à ce qu'un bruit l'intrigue. Son pas s'accéléra, après Ling qui avait dévalé les marches. Un détail le titillait. Du bruit mais pas de cri.

Au pied des marches, il y avait du monde dont le concierge. Son sourcil gauche se haussa légèrement, alors que Jing imaginait le pourquoi du comment de la scène.

« - Jolie réception, Gôshi-san ! »

L'asperge chinoise coula un regard curieux au jeune homme avec le carnet. Ah, le carnet, cet objet presque sacré... Ça ne pouvait qu'attiser sa curiosité, et Ling choisit ce moment pour lui donner un petit coup de nez dans le genou.

Des gens ! Plein de gens ! Plein d'amis ! Non ? Mais si ! Il avait même le droit à un câlin ! Hirô se sentait comme un héros plein de prestance et de bonheur dans son cœur ! Oui, comme un gros imbécile heureux qui comprenait pas vraiment pourquoi le monde tournait soudainement autour de lui alors qu'il avait toujours été une sorte de marginal farfelu auprès des jeunes. Alors que Ludovic s'était jeté sur le carnet, le concierge s'inclina en se grattant la tête d'un air gêné face aux membres de l'assistance. Une fois l'entièreté de la foule remerciée pour son soutien, il remarqua que Ludovic s'était précipité, aidé par Shimahime qui s'avait retenu une ou deux fois par les vêtements pour lui éviter de s'exploser le front contre les dalles. Hirô était fier de voir un élève avec un esprit du sacrifice si noble, prêt à risquer sa vie pour récupérer les biens de ses camarades et leur rendre de façon héroïque ! Il se planta face à Ludovic avec une vingtaine de marche d'écart et brandit le bras en avant, dévoilant un pouce levé en signe d'approbation totale. Il lui avait également fait son plus grand sourire et un clin d’œil que seuls les héros méritaient.

"Yû kan du ito !"

Il s'attendit par la suite à un acte de bravoure extraordinaire de sa part : rendre le carnet à l'écrivain. Et s'il n'en avait pas l'intention, Shimahime le ferait pour lui. Non ?

Jing décocha un coup d'oeil contrarié à Ling. Parfois, il le trouvait pénible même si le chinois savait pertinemment que ce geste n'était pas innocent. Au lieu de s'appesantir sur ça, l'homme descendit laissant le jeune élève qui s'était relevé s'occuper du carnet. Au passage, le psychologue se promit de ne jamais demander quoique ce soit en anglais à Hirô.

Arrivé à la hauteur de l'autre élève, Jing joignit les mains, l'air plutôt embarrassé.

« - Désolé, parfois, il en fait qu'à sa tête ! »

Et l'oleign avait de qui tenir. En tout cas, présenter ses excuses paraissaient une chose normale pour Jing. S'il ne comprenait pas la situation depuis le tout début, il savait que ça avait occasionné une gêne. Ling, lui, se tenait dans un coin, la queue fouettant l'air.