Elle portait une écharpe de laine, arborant fièrement les couleurs de sa maison. Le mois de décembre était rude, au Japon, mais l'anglaise qu'elle était ne pouvait se laisser impressionner par le mauvais temps.
Aussi, elle marchait à pas lents, les yeux rivés vers le ciel. Tout était gris, sauf son coeur euphorique.
Elle avait les mains dans les poches et le sourire au visage. Son esprit jouait à cache-cache avec les songes, douces utopies de sa vie.
Elle n'était pas calme de nature et ce n'était qu'à cause de la solitude qu'elle agissait ainsi. A la moindre parole, compliment ou reproche, elle regagnerait toute son énergie.
Mais il commença à pleuvoir et personne n'y était préparé. Au début fine, la pluie s'intensifia et une goutte mouilla l'oeil de la jeune fille, l'obligeant à baisser la tête.
L'ignis, bien que représentante des flammes, aimait la pluie. C'était pour elle comme une touche dramatique dans un décor paisible. Cela lui donnait l'impression d'être dans un film.
Ses cheveux étaient trempés, son uniforme aussi. Alors, elle s'adossa contre un arbre et, de ses yeux sombres, regarda les gens se mettre à l'abris.

Rien de tel que d’aller se défouler les jardins de l’académie pour éliminer un trop plein d’énergie. Et pour se dépenser tout en s’amusant, Ambrine n’avait pas son pareil, surtout avec un compagnon de jeu tel que Govou. Ils avaient d’ailleurs tous les deux entamé une partie de « chat » et pour cela l’espace boisé de l’académie relevait du terrain de jeu idéal. C’était au tour de Govou de pourchasser la jeune fille, et comme à chaque fois Ambrine prenait plaisir à feinter son oleign au dernier moment.

Pour donner plus de piquant à leur jeu, Ambrine s’amusait à s’accorder à chaque fois une seconde supplémentaire avant d’esquiver la charge de son animal. Et malgré la soudaine pluie qui s’était mise à tomber sur leur tête, aucun des deux partis ne semblaient prêts à abandonner, personne ne souhaitait terminé leur jeu au rang du chat perdant.

Et hop, une fois encore, Govou se ruait vers sa maîtresse avec fougue et détermination. Et comme d’habitude, Ambrine se préparait à esquiver au dernier moment l’assaut du canidé, cependant au moment de fuir sur le côté, le sol terreux transformé en boue par la pluie lui fut traitre. Et au lieu de partir, elle fit un grand écart sur place avant de recevoir de plein fouet Govou qui s’était littéralement jeté sur elle.

La suite fut qu’Ambrine se retrouva coucher par terre allongée dans la boue avec un Govou victorieux installé sur elle. Cela aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter le fait qu’ils se trouvaient tous les deux en pente. Ambrine se senti alors doucement glisser en arrière, comprenant assez rapidement la situation, elle intima l’ordre de descendre à son oleign, mais ce dernier ne comprit pas l’urgence de la situation et restait fou de joie d’avoir attrapé sa cible. Notre amie se sentit partir de plus en plus vite, si bien qu’au bout d’un moment les rares promeneurs encore présent dans le jardin purent voir un jeune oleign fougueux faire de la luge sur le dos de sa maîtresse.

Lorsqu’ils arrivèrent en bas de la pente, Govou sauta sur le côté pour laisser à Ambrine tout le loisir de se relever. Mais le mal était fait, notre camarade était dans un état déplorable, après avoir rapidement constaté l’ampleur des dégâts, Ambrine chercha du regard son petit protégé. Elle le vit alors entrain de soulager sa vessie sur le tronc d’un arbre, ce dernier ne semblait nullement mesurer les conséquences de ses actes.

« Govou !!!! »

La voix de sa maîtresse était sans équivoque et l’oleign prit dès lors ses jambes à son cou poursuivi par une Ambrine à la fois furieuse et amusée de voir son petit compagnon fuir de la sorte. Le petit animal crut alors bon d’aller trouver refuge derrière les jambes d’une autre étudiante, inutile ce n’était pas elle qui allait la retenir. D’ailleurs Ambrine ne prêtait aucune attention à cette demoiselle, ses yeux étaient rivés sur son oleign et avait tout l’air d’un fauve prêt à bondir sur sa proie. Ce qu’elle fit d’ailleurs sans attendre, mais Govou s’esquiva et Ambrine percuta de plein fouet la jeune fille, toutes deux finirent à terre. Quant à Govou, il partit disparaître le temps que sa maîtresse s’apaise car nul ne doute qu’après cela, elle allait être furax la vieille.

A ce moment précis, tout se passa très vite. La pluie battait et deux silhouettes jouait au lointain. Rayan n'y prêta pas attention, mais elles se rapprochèrent. Surtout la première, basse, aux aspects canins. C'était un oleign, qui courut à toute vitesse se cacher auprès de l'ignis. Il était beau, avec son pelage pourpre et ses yeux d'émeraudes. Enfin, elle préférait quand même Svia, dont la fourrure lui rappelait à la fois la foudre et le soleil d'été.
Cette dernière se leva d'ailleurs, exhibant vaguement ses crocs. Non, elle n'était pas très possessive, mais elle voyait déjà la suite arriver : une autre ignis, qui, en voulant rattraper son compagnon, mit à terre Rayan, à présent pleine de boue. Ce fût rapide, mais le falry profita du trouble général pour s'échapper, suivi de la selmok en colère.

Oui, tout s'était passé très vite, et l'anglaise était sonnée, tiraillée entre rage et incompréhension. Elle était pleine de boue, mais là n'était pas son plus grand problème : lors de la chute, sa tête avait cogné l'arbre, assez fort et elle avait très mal.

« Ca ne doit-être qu'une bosse... », marmonna-t-elle lorsqu'une silhouette imposante, légèrement flippante lui demanda comment elle allait, suite à cet incident. Puis elle reprit plus haut, tout en se relevant une main sur le crâne, « Je sais pas trop ce qu'il s'est passé, je pense que c'est plus à Ambrine de répondre ! »

Par miracle, elle se souvenait du nom de sa camarade. Même maison, même âge, même classe... Il fallait dire que c'était un minimum ! Mais son esprit était encore trop embrouillé pour qu'elle se préoccupe de ces détails.

Tout se passa très vite. Elle tomba devant Rayan, qui, ne remarquant rien, s'affala à ses côtés. Son pouls était rapide, seul témoin de sa colère. Oh, comme elle aurait aimé réagir autrement ! Pleine de boue, elle releva la tête du sol humide et tourna son regard en direction de sa camarade, à présent mourrante. En effet, la brunette ne vit de son amie que le corps lourd se retourner, la bouche pleine de terre et de sang. Elle avait une lame enfoncée dans la poitrine, froide, dénuée de sens ou d'émotion.
Aussi, Rayan resta perplexe. Sa colère à présent évaporée, elle fixa le corps, ses mouvements désespérés, exécutés dans le simple but de respirer. C'était un spectacle épouvantable, pour une enfant de cet âge, et pourtant, elle ne pouvait en détacher les yeux. Son regard était vide, choqué, plus mort que son amie elle-même.

« Pourquoi ? », se répétait-elle, en boucle dans sa tête. Tout s'y bousculait, la tristesse, la peur, ou tout simplement le choc. Elle respirait difficilement, son cœur battait très fort et sa gorge était serrée. Elle voulut tomber au sol, mais ne put s'y résoudre. Le monde ne tournait plus rond, dans sa tête. A vrai dire, tout s'était arrêté, des gens qui l'entouraient aux battements de ses propres cils. Elle était comme éteinte, absente pendant un long moment, jusqu'à-ce que la voix de son camarade la rappelle à la raison.

« Rayan. Reste avec elle. Ne fais pas de bruit et n'alerte personne s'il te plait. Je vais aller chercher de l'aide. »

Elle le regarda, de ses yeux vides, encore sous l'emprise du choc. Ses lèvres bougèrent, formant un murmure inaudible. Elle semblait acquiescer, mais ne réussit à répéter. C'était difficile, très difficile. Elle comprenait à peine comment son camarade pouvait rester si calme.

« Ca va aller, Rayan ? Tu n'es pas blessée ? »

Encore une fois, l'adolescente resta muette, puis se reprit. Une larme coula le long de sa joue, à la fois de terreur et d'angoisse, mais elle l'essuya, aussi courageuse qu'elle pouvait l'être. Non, elle ne pouvait pleurer, pas maintenant. Si elle cédait à ses faiblesses, son amie risquerait de mourir. Sa voix encore tremblotante, elle répondit donc :

« Je. Oui, ça ira. Je dois juste avoir une bosse... Bref, va chercher des secours, je reste ici ! J-Je veux pas qu'Ambrine meure, putain ! »

Elle essuya une autre larme avant de se parer de tout le courage et de tout le calme dont elle pouvait faire preuve, observant son interlocuteur d'un air décidé.

La jeune fille était perdue, choquée, désorientée. Elle regardait son camarade partir, insensible à tout ce qui l'entourait. La pluie, le corps ou même les arbres. Tout avait disparu. Svia, elle-même, n'était pas là pour la réconforter.
Elle regardait le vide, tout n'était plus que néant autour d'elle. La réalité avait à présent disparu, seul demeurait l'écho de ses pensées.

Plic. Ploc. La pluie continuait de tomber.
Plic. Ploc. A moins que ça ne soit
Le sang de la condamnée ?

L'adolescente se leva, à la vue de l'infirmière, et s'écarta le temps des soins. Elle tentait de ne pas regarder, mais c'était plus fort qu'elle. Un mélange d'inquiétude et de fascination, sûrement liée au choc de l'accident.

Plic. Ploc. Le ciel demeurait insensible.
Plic. Ploc. A moins que, triste,
Il n'ait revêtit son masque
D'impassibilité ?

Rayan revint à elle.

« Shiba-kun, Fox-chan, vous allez bien ? Il serait préférable que vous ne restiez pas là, vous m'entendez ?

- Oui. Bonne chance.»

La jeune fille tourna les talons, le regard vide. Son oleign la rejoignit, tandis qu'accourait celui de la défunte. Insensible, elle poursuivit son chemin, sans un battement de cils, en direction de son dortoir, accompagnée de sa triste camarade.